Au centre médical de Sabha, dans le sud de la Lybie, les membres du personnel infirmier accomplissent les tâches pour lesquelles ils ont été formés, au mépris des dangers que le conflit et le coronavirus font peser sur eux.
Fatima Amtir, l’infirmière cheffe, et ses 16 collègues n’ont pas quitté le centre depuis que les premiers cas de Covid-19 ont été confirmés dans la ville, il y a plus d’un mois. Leur souci est double : s’occuper des patients qui leur sont confiés tout en évitant de contaminer les membres de leurs familles.
« Cela fait maintenant 38 jours que je n’ai pas bougé de l’hôpital, explique Fatima. Mes enfants et mes petits-enfants me manquent. À l’heure qu’il est, personne ne peut dire quand nous viendrons à bout de cette crise. Trente-huit jours sans pouvoir prendre mes enfants dans mes bras. Je ne peux même pas dire ce que je ressens. »
Fatima a l’habitude de travailler dans des conditions difficiles, mais le fait de se retrouver séparée des siens, en particulier de sa mère qui est atteinte d’un cancer, est inédit et rend les choses encore plus pénibles.
« Il s’en est passé des choses depuis le début de la révolution en 2011 ; pourtant je n’ai pas manqué un jour de travail à l’hôpital, pas un seul », ajoute-t-elle.
« Mais là, à cause de cette pandémie, je ne peux même pas rentrer chez moi et embrasser mes parents. Je ne sais pas si je les reverrai un jour. »
À Sabha, le nombre de nouvelles infections monte en flèche. Au centre des maladies respiratoires de la ville, le docteur Ibrahim Saleh Al-Zwai est très inquiet. Il se demande comment lui et son équipe arriveront à faire face.
« Nous sommes confrontés à de nombreux défis. En l’espace d’un mois, nous avons enregistré des centaines de nouveaux cas. La situation est catastrophique. Si nous devions dépasser les 500 cas, nous nous retrouverions en difficulté et pourrions perdre le contrôle », s’alarme-t-il.
« Faute de suffisamment de médecins, nous risquons en effet de ne pas pouvoir nous occuper de tout le monde. L’équipe médicale est très restreinte : elle ne peut prendre en charge que 400 à 500 patients. Au-delà, nous devrons nous avouer vaincus. »
En raison du Covid-19, les habitants de Sabha vivent confinés : la plupart ne peuvent sortir travailler pour gagner leur vie. L’un d’eux, Walid Al-Zaidani, explique qu’après quelques semaines de confinement, beaucoup de familles se trouvaient déjà dans une situation impossible.
« Au moment où le premier cas de Covid a été détecté à Sabha, les gens étaient déjà fatigués d’être enfermés et inquiets. Ils n’en pouvaient plus de rester chez eux, sans travail et sans revenu. »
Pour de nombreux Libyens, l’année 2011 a marqué le début d’un long cauchemar. La guerre, la destruction et l’insécurité sont entrées dans leur quotidien. Tout le monde a le droit de vivre en sécurité et de subvenir à ses besoins. Pourtant, cela semble impossible à Salma Hasan Ramadan, qui s’est réfugiée à Sabha pour échapper aux combats à Tripoli.
« Nous n’en pouvions plus, là-bas, explique-t-elle. Nous y sommes restés un an malgré les combats. Et puis, trois jours avant le début du ramadan, des hommes armés nous ont chassés de chez nous. À notre retour, nous n’avions plus rien. Ce châle, je l’ai emprunté à une amie. Ils ont fourré tous mes vêtements dans des sacs et les ont emportés. Ce qu’ils ne pouvaient pas voler, ils l’ont brûlé. »
De nombreuses personnes déplacées dans l’ouest de la Libye sont dans la même situation que Salma. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) distribue des colis alimentaires, des assortiments de produits d’hygiène et du matériel de désinfection aux familles privées de leurs moyens de subsistance en raison de la quarantaine.
« Nous essayons de leur fournir ce dont elles peuvent avoir besoin pendant leur isolement, comme de la nourriture, des articles d’hygiène et quelques fournitures médicales », explique Nidal Abu Bakr, chef de l’équipe d’intervention d’urgence du Croissant-Rouge libyen.
Le CICR fournit aussi des équipements de protection individuelle (EPI) et du matériel de désinfection aux structures de santé de Sabha, où il forme par ailleurs des centaines de soignants et de volontaires du Croissant-Rouge libyen aux bonnes pratiques en matière de désinfection et à la bonne utilisation des EPI.
Malgré cela, les jours et les semaines à venir s’annoncent difficiles pour les professionnels de santé de Sabha. Dans l’établissement où travaille Fatima Amtir, le virus touche maintenant le personnel.
« Aujourd’hui, après 38 jours passés à l’hôpital, des membres du personnel infirmier ont été testés positifs au Covid-19 », indique-t-elle.
« Honnêtement, c’est douloureux. Ils faisaient leur travail sans savoir que leurs patients étaient infectés. »
Pour autant, Fatima et son équipe ne baisseront pas les bras et continueront de répondre aux besoins de tous leurs patients. De leur côté, le CICR et le Croissant-Rouge libyen continueront de faire leur possible pour que les agents de santé de Sabha, et leurs patients jusqu’ici épargnés, restent à l’abri de la pandémie.
FAITS ET CHIFFRES CLÉS
· Sabha cumule 44 % des cas de Covid-19 enregistrés en Libye.
· Plus de 20 médecins et personnels de santé y ont été testés positifs au Covid-19.
· Au 15 juillet, sur 1 151 personnes actuellement atteintes du Covid-19 en Libye, 486 se trouvaient à Sabha.
Informations complémentaires :
Qusai ALAZRONI, porte-parole pour la Libye, tél. : +216 55 166 657
Sara Alzawqari, porte-parole pour le Moyen-Orient, tél. : +961 3138 353