Tripoli (CICR) — Le conflit en Libye a rendu le pays extrêmement vulnérable à la variabilité du climat. Il risque d’accentuer l’impact sur la production agricole, donc sur les moyens de subsistance, et la sécurité alimentaire et économique de milliers de personnes.
Dans le village d’Awiniya, situé au sud-ouest de Tripoli, région où l’agriculture constitue la principale source de revenus pour une majorité de la population, la violence qui fait rage a contraint de nombreux producteurs locaux à abandonner leurs terres et leurs habitations pour trouver refuge dans d’autres régions. Après des années de déplacement, certains agriculteurs de retour sur leurs terres ont découvert leurs parcelles asséchées, et des infrastructures vitales endommagées à cause du conflit.
« Je suis impuissant, j’ai tout perdu et j’ai dû tout recommencer à zéro. J’ai commencé à replanter des arbres, comme si c’était ma première année d’activité, mais après trois années consécutives de sécheresse, les arbres n’ont pas poussé ni fleuri à cause des conditions climatiques difficiles », explique Ali, cultivateur de retour à Awiniya.
Il est impossible de creuser des puits dans le terrain accidenté de ce village de montagne, et le seul réservoir d’eau que les agriculteurs utilisaient en cas d’urgence pendant les périodes de sécheresse a été détruit lors des violents combats qui frappent Awiniya depuis 2011.
Dans un pays majoritairement désertique, où les terres arables représentent moins de 2%, de plus en plus de paysans abandonnent leurs exploitations en raison du manque de ressources en eau, et le rendement de l’agriculture pluviale est dangereusement bas à cause des épisodes de sécheresse.
Le réchauffement climatique soumet la Libye à des phénomènes climatiques extrêmes comme des tempêtes de sable et de poussière de plus en plus ravageuses, la hausse des températures et la sécheresse. Plusieurs années de conflits incessants ont fortement ébranlé la capacité d’adaptation du pays qui s’est considérablement amoindrie, car les ressources nécessaires à la lutte contre les changements climatiques sont utilisées pour faire face aux conséquences à court et long terme du conflit prolongé.
La Libye a enregistré une baisse importante des précipitations entre octobre 2020 et octobre 2021. Les quelques jours de pluie de cette période ont créé des petites mares qui se sont rapidement évaporées sans pénétrer dans le sol. L’intensité sporadique des précipitations entraîne souvent des inondations qui abîment fortement les sols et ont donc un impact sur la production agricole, sans oublier les pertes économiques qui en découlent. Les dégâts sont encore plus importants dans certaines régions où les infrastructures de drainage sont déjà endommagées par le conflit.
« Comme les précipitations se font rares, je n’ai pas les moyens d’irriguer mon verger par camion toute l’année ; en été peut-être, si la saison des pluies avait été meilleure, mais pas tout au long de l’année », ajoute Ali.
Comme tous les pays touchés par un conflit, la Libye subit de plein fouet les changements climatiques et figure parmi les nations les moins préparées aux aléas climatiques dans le monde. Le conflit a rendu le pays particulièrement vulnérable à la variabilité du climat en raison de sa faible capacité d’adaptation, qui a son tour, accentue l’impact des catastrophes naturelles. Les ressources limitées en eau, associées à la sécheresse et à la pauvreté des sols limitent sévèrement la production, ce qui force le pays à importer environ 75% de la nourriture nécessaire pour couvrir les besoins locaux, selon la Banque mondiale.
Les conséquences se font déjà sentir dans les marchés locaux. « Il est urgent d’investir dans les terres arables pour atténuer cet impact. Le choc se reflète dans le prix de l’huile d’olive, qui a triplé au cours des deux dernières années en raison de la baisse de production résultant de la faible pluviométrie », explique Jalal Al-Qadi, du centre de recherche agricole de Misrata.
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Informations complémentaires :
Natalie NABIL BEKDACHE, porte-parole du CICR en Libye, +216 5516 6657, nnabilbekdache@icrc.org
Imene TRABELSI, porte-parole du CICR au Proche et Moyen-Orient, +9613138353, itrabelsi@icrc.org
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Notes à l’intention des rédactions :
Le CICR œuvre pour l’amélioration de la production alimentaire en Libye :
Le CICR travaille en collaboration avec le centre de recherche agricole de Misrata et l’Université de Misrata pour permettre aux communautés rurales vulnérables touchées par le conflit ou accueillant des personnes déplacées à Misrata d’améliorer leur production alimentaire à un niveau qui garantit une sécurité économique stable et des opportunités de subsistance durables sur le long terme.
Le CICR soutient la population en facilitant l’accès des producteurs à des services agricoles efficaces (analyse du sol, contrôle de la fertilité des sols, soutien technique à la récolte) et la formation des équipes d’ingénierie spécialisées dans l’analyse des sols et le conseil en fertilité des sols.
Le CICR en Libye : faits et chiffres
Le CICR aide les personnes touchées par le conflit en Libye depuis 2011. En 2021, plus d’un million de personnes ont bénéficié en Libye d’un ou plusieurs services du CICR, directement via une distribution de nourriture, d’argent et d’articles de première nécessité, ou à travers l’aide du CICR en faveur des services de santé et d’approvisionnement en eau.
LOGLIST
Numéro de production audiovisuelle
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10/03/2022 Les risques climatiques en Libye
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Crédit de publication |
CICR
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Date de tournage
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Awiniya le 1er février 2022/Misrata le 13 février 2022
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Pays/lieu
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Libye / Djebel Nefoussa (montagnes de l’ouest) / Awiniya Libye / Misrata |
Langue
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Arabe |
Producteur |
Qusai Alazroni et Hussein Elyaser / CICR |
Cadreur
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Mohaned Krema / Hussein Elyaser / CICR |
Droit d’auteur / Détails des restrictions le cas échéant |
Libre utilisation |
Commentaires / Bref aperçu du contenu |
Les risques climatiques ont des conséquences sur l’agriculture en Libye et le conflit a réduit les capacités du pays à atténuer ces risques. |
CODE TEMPS |
LIEU / IMAGE / TRANSCRIPTION DES EXTRAITS SONORES AVEC CODE TEMPS |
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Awiniya, Djebel Nefoussa, sud-ouest de Tripoli, 01/02/2022. Avec l’aimable autorisation du CICR |
00:00 – 00:20 |
Divers plans larges montrent le paysage et les exploitations d’Awiniya. |
00:21 – 00:30 |
Des plans larges montrent les arbres secs et morts de l’exploitation d’Ali Ebrahim Al-Taleb à Awiniya. |
00:31 – 00:46 |
Château d’eau détruit à Awiniya |
00:47 – 00:52 |
Maison de ferme détruite à Awiniya |
00:53 – 01:08 |
Des plans larges montrent les arbres secs et morts de l’exploitation d’Ali Ebrahim Al-Taleb à Awiniya. |
01:09 – 01:29 |
En conduisant autour d’Awiniya, les effets des tempêtes de sable et de poussière liées à la désertification sont clairement visibles. |
01:30 – 01:44 |
Ali Ebrahim Al-Taleb, agriculteur local, se promène dans son exploitation à Awinyia. |
01:45 – 01:52 |
La rareté des précipitations et la destruction de l’unique réservoir d’eau dont dépendaient les agriculteurs pour irriguer les récoltes les ont contraints à utiliser des camions d’irrigation, option coûteuse que beaucoup d’entre eux n’ont pas les moyens de mettre en œuvre. |
01:53 – 02:02 |
Des plans larges montrent des exploitations à Awiniya. |
02:03 – 05:32 |
EXTRAIT SONORE (arabe) Ali Ebrahim Al-Taleb Agriculteur à Awinyia
02:03 – 02:14 La zone a été ravagée pendant les années de déplacement de 2011 à 2017.
02:15 – 02:41 Lorsque je suis revenu sur mes terres, tous les arbres étaient secs et morts, sauf quelques oliviers, mais seuls 10% ont survécu. Tous les autres arbres, dont les amandiers et même les autres arbustes, avaient disparu. Il n’en restait rien. Je me suis mis à replanter des arbres.
02:42 – 03:04 J’ai commencé à replanter des arbres de zéro, comme si c’était ma première année d’activité. Mais le climat extrême n’a pas aidé et la sécheresse a sévi ces trois dernières années. J’ai dû arroser les arbres par moi-même, et je n’en avais pas les moyens donc les arbres n’ont pas poussé et ne se sont pas épanouis.
03:05 – 03:23 De plus, pendant les sept années de déplacement, personne n’a pris soin des arbres. Une exploitation nécessite de l’entretien : travailler la terre, cultiver et irriguer les arbres. Mais ces exploitations ont péri, car elles ont été laissées à l’abandon pendant des années.
03:24 – 03:54 J’avais 50 ans quand je suis revenu après sept ans de déplacement, mais j’ai dû tout recommencer à zéro, comme si j’étais né ce jour-là. Devoir reconstruire la maison, l’exploitation, toute ma vie comme si je n’avais rien eu avant, comme un adolescent de 15 ans qui débute dans la vie. Pendant ces années, mes économies se sont envolées, j’ai tout perdu. Je suis revenu pour tout reconstruire, comme un oiseau qui fait son nid.
03:57 – 04:32 Je ne peux pas acheter de l’eau pour mon exploitation et pour ma maison, c'est trop cher. Comme les précipitations se font rares, je n’ai pas les moyens d’irriguer mon verger par camion toute l’année ; en été peut-être, si la saison des pluies avait été meilleure, mais pas tout au long de l’année.
04:33 – 04:53 J’ai 53 ans maintenant. Je n’avais jamais connu trois années consécutives de sécheresse dans ma vie. Si la sécheresse est saisonnière, je peux y remédier par moi-même, mais je ne peux pas lutter seul contre les conséquences de trois années consécutives de sécheresse.
04:54 – 05:13 J’avais du bétail, mais après ces années difficiles, j’ai dû arrêter l'élevage. Je n’arrive pas à nourrir et abreuver le bétail, car les pâtures ont été asséchées par la désertification et la sécheresse. J’ai été obligé d’arrêter.
05:14 – 05:32 L’agriculture était une source de revenus importante pour de nombreuses personnes ici. Les cultures de blé et d’orge, en plus de fruits et d’amandes, représentaient une source de revenus importante pour les agriculteurs ici. Mais la sécheresse a supprimé ce moyen de subsistance , et la désertification a eu un impact considérable sur le revenu de la population. |
CODE TEMPS |
LIEU / IMAGE / TRANSCRIPTION DES EXTRAITS SONORES AVEC CODE TEMPS |
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Centre de recherche agricole, Misrata, Libye, 14/02/2022 Avec l’aimable autorisation du CICR |
05:33 – 05:37 |
Plan général d’une entrée où un panneau affiche « Centre de recherche agricole, Misrata ». |
05:38 – 05:53 |
Plusieurs plans montrent l’agronome Jalal Al-Qadi qui organise une visite du centre de recherche agricole de Misrata et en explique le travail. |
05:54 – 06:03 |
Un plan large montre l’oliveraie située aux alentours du centre de recherche agricole de Misrata. |
06:04 – 06:18 |
Des plans moyens et plus serrés montrent un olivier touché par la sécheresse aux alentours du centre de recherche agricole de Misrata. |
06:19 – 06:28 |
Un plan large montre le paysage agricole du centre de recherche agricole de Misrata. |
06:29 – 09:12 |
EXTRAIT SONORE (arabe) Jalal Al-Qadi Directeur de laboratoire au centre de recherche agricole de Misrata.
06:29 – 07:10 La production d’huile d'olive a été durement touchée. Nous avons remarqué sur les marchés que le prix d'un litre d’huile d’olive, qui coûtait entre huit et dix dinars, a désormais atteint quarante dinars aujourd’hui. C’est le résultat d’une baisse importante de la production à cause des changements climatiques qui ont perturbé les récoltes de la saison précédente. Il n’a pas plu d’octobre 2020 à octobre 2021.
07:11 – 07:38 Les quelques jours de pluie intense de cette période n’ont pas profité aux récoltes, et ont même été destructeurs. Par exemple, il pleut parfois 60 mm en trois jours, à un moment où les plantes n’ont pas besoin de cette eau de pluie, ou la quantité est supérieure à la capacité d’absorption du sol. Cela crée des mares qui s'évaporent rapidement sans pénétrer dans le sol. Et ces phénomènes perturbent la production.
07:39 – 08:05 On sait également que chaque plante a une période de floraison spécifique qui nécessite des températures et un taux d’humidité particuliers. Si les températures adéquates et le taux d’humidité ne sont pas atteints pendant la période de floraison, le processus de fertilisation n’aura pas lieu et l’arbre ne produira aucun fruit.
08:06 – 08:32 Les précipitations annuelles dans notre région sont de 250 mm. Le problème, c'est que cette quantité d’eau est correcte, mais parfois, 90 mm tombent en un jour, tandis que le reste tombe en petites quantités réparties sur différents jours, 5 mm voire 2 mm, et cela ne suffit pas pour pénétrer dans le sol.
08:33 – 09:12 Le changement climatique nécessite une préparation importante. Il est important de sensibiliser le plus grand nombre du danger de ce phénomène sur la planète, et en particulier dans notre pays. Il faut prendre des mesures fortes pour empêcher l’empiètement des terres agricoles et essayer d’augmenter les investissements dans les terres arables. Nous devons investir toutes nos ressources et sensibiliser les agriculteurs à l’importance d’augmenter la production de manière durable. |