Le Yémen est depuis longtemps réputé pour la qualité de son miel – l’un des meilleurs au monde. Cependant, le secteur apicole du pays a essuyé d’immenses pertes depuis le début du conflit en 2011. Les vagues successives de déplacements déclenchées par les violences, les effets de la contamination par les armes dans les zones de production et l’impact croissant du changement climatique plongent des milliers d’apiculteurs dans la précarité, entraînant une chute drastique de la production. En résumé, le conflit armé et le changement climatique menacent de faire disparaître une pratique vieille de 3 000 ans.
L’histoire de l’apiculture au Yémen remonte au moins au début du premier millénaire avant Jésus-Christ. Des siècles durant, cette pratique a été une pierre angulaire de la vie économique du pays. Aujourd’hui, pourtant, des milliers d’apiculteurs luttent pour survivre face aux effets combinés d’années de conflit et du changement climatique.
Selon les chiffres de l’ONU, l’apiculture est pratiquée par quelque 100 000 ménages yéménites, pour qui elle constitue la seule source de revenu. Or, les combats empêchent les producteurs de miel de sillonner le pays en quête de nouvelles aires de butinage. On rapporte également que des dizaines d’entre eux auraient été tués alors qu’ils tentaient de franchir des lignes de front avec leurs abeilles ou dans le but de vendre leur production.
« La chaîne de montagnes qui longe la côte occidentale du Yémen est un centre historique de la production de miel mais, depuis huit ans, cette zone a été le théâtre de nombreux affrontements », explique Amin, un apiculteur de Taïz, l’une des villes les plus durement touchées par le conflit en cours. « Ma vie a basculé le jour où une roquette s’est abattue sur ma colonie d’abeilles. La situation n’a cessé d’empirer depuis. Nous ne gagnons plus d’argent, les abeilles sont déboussolées et la vie devient de plus en plus difficile. »
L’omniprésence de mines et de munitions non explosées fait peser une menace grave sur toute la population yéménite. De fait, avec plus d’un million de mines et d’engins explosifs improvisés éparpillés sur l’ensemble du territoire, on recense chaque jour des incidents impliquant des civils tués ou mutilés. Dans les zones fortement touchées par la violence, les apiculteurs encourent un risque accru d’être pris pour cible par les parties au conflit lorsqu’ils s’occupent de leurs abeilles à proximité des lignes de front actives. Cette situation a contraint des milliers d’entre eux à abandonner leur métier pour se tourner vers des activités plus sédentaires. « Je ne peux plus m’éloigner de chez moi, il ne me reste donc plus qu’une seule saison pour produire du miel. C’est loin d’être suffisant pour pourvoir aux besoins de mes enfants », déplore Youssef, un autre apiculteur du gouvernorat de Hajjah.
Pour ne rien arranger, le Yémen, à l’instar de nombreux pays touchés par un conflit, subit de manière disproportionnée les effets du changement climatique. La hausse des températures enregistrée ces dernières années, combinée à de graves atteintes à l’environnement, perturbe l’écosystème des abeilles et nuit de ce fait au processus de pollinisation. L’année 2022 a été marquée par des précipitations particulièrement faibles. Avec moins d’eau dans les nappes phréatiques et une désertification qui avance, des territoires auparavant consacrés aux activités agricoles et à l’apiculture sont désormais inadaptés à ces moyens de subsistance.
« Ce qui nous arrive n’est pas seulement dû au conflit. Cela fait des mois qu’il ne pleut pas et il y a moins de fleurs », constate Amin, l’apiculteur de Taïz, avant d’ajouter : « Mes enfants ont dû abandonner l’école pour aller travailler dans d’autres secteurs parce que mon commerce ne permet plus de subvenir aux besoins de ma famille ».
Avec plus de 16 millions d’habitants en situation d’insécurité alimentaire, le Yémen est déjà confronté à une crise alimentaire majeure. D’après des rapports du Programme alimentaire mondial, près de 50 000 personnes endurent des conditions s’apparentant à la famine à Hajjah, Amran et Al-Jawf. Partout dans le pays, des familles vulnérables se trouvent dans une situation désespérée en raison des effets combinés du conflit armé et du changement climatique.
Informations complémentaires :
Basheer Omar (Sanaa) : balselwi@icrc.org, + 967 737889476 ou +967 771 480 412
Imene Trabelsi (Beyrouth) : itrabelsi@icrc.org, +961 3 138 353
Jason Straziuso (Genève) : jstraziuso@icrc.org, +41227302077
Note à l’intention des rédactions :
Le CICR au Yémen : assistance aux moyens de subsistance
Insécurité alimentaire au Yémen :
Action du CICR sur la côte occidentale du Yémen :
Récapitulatif
Titre : Yémen
Lieux : Taïz/Hajjah/Saada/Beja
Durée : 9.04
Producteur : CICR
Langues de production : arabe, anglais
Date de tournage : avril-mai 2022
Droit d’auteur : CICR – libre de droits
Plans choisis/script :
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Personne interviewée, lieu |
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Plan extérieur – Cadre rural de Taïz |
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Plan extérieur – Amin, apiculteur, se dirigeant vers ses ruches |
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Plan extérieur – Amin, apiculteur, s’occupant de ses ruches |
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Plan extérieur – Plusieurs plans d’Amin contemplant la vallée |
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Plan extérieur – Plan de miel liquide |
Extrait sonore : Amin Adbulaziz - Taïz |
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J’ai commencé à m’occuper des abeilles il y a 20 ans. |
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Je menais une vie normale jusqu’à ce que la guerre éclate. |
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La présence d’arbres dans la vallée nous facilitait le travail. |
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Et nous pouvions traverser le pays jusqu’à trois fois par an pour trouver des aires de butinage. |
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En tant qu’apiculteur, ma vie est devenue difficile. |
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C’est arrivé au cours de ce conflit qui dure depuis sept ou huit ans. |
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Ma vie a basculé le jour où une roquette s’est abattue sur ma colonie d’abeilles. Notre situation n’a cessé d’empirer depuis. Nous ne gagnons plus d’argent, les abeilles sont déboussolées et la vie devient de plus en plus difficile. |
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Un des problèmes auxquels tous les apiculteurs de la région sont confrontés. |
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La chaîne de montagnes qui longe la côte occidentale du Yémen, depuis la région d’Al-Barah jusqu’à Hajjah, est un centre historique de la production de miel. |
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On amenait les abeilles butiner dans cette région. |
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Mais, au cours des huit dernières années, cette zone a été le théâtre de nombreux affrontements. |
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Pour certaines familles, l’apiculture est un métier à part entière dont elles dépendent totalement pour avoir des revenus. |
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L’apiculture est comme n’importe quelle autre activité agricole. |
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À présent il est devenu plus difficile de circuler et plus coûteux d’entretenir des abeilles, alors que le coût des matériaux que nous utilisons dans notre métier a augmenté. |
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L’apiculture était lucrative avant la guerre ; elle occupait une part très importante dans les revenus de la famille. |
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Mais aujourd’hui ce n’est plus une source de revenu fiable. |
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Avant, mes enfants ne travaillaient pas. Aujourd’hui, ils ont dû abandonner l’école pour aller travailler dans d’autres secteurs parce que mon commerce ne permet plus de subvenir aux besoins de ma famille. |
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L’apiculture a perdu son intérêt économique au cours de la guerre. |
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Les abeilles jouent un rôle essentiel dans l’écosystème. Elles pollinisent les plantes et les arbres. |
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Les deux tiers de la production alimentaire mondiale dépendent des abeilles. |
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Plusieurs études indiquent que la disparition des abeilles signerait la fin de l’humanité. |
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Plan extérieur – L’apiculteur montre du miel et de nouvelles colonies. |
Extrait sonore : Sultan Alsabary – Saada |
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Nous pratiquons l’apiculture de père en fils depuis très longtemps et, à cause du conflit, nous avons perdu de nombreuses ruches. |
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Malgré cela, nous essayons de prendre un nouveau départ. |
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Plan extérieur – Apiculteur montrant des ruches. |
05:29 |
Plan extérieur – Un apiculteur enseigne à sa fille le nom d’un type de miel et comment s’occuper des abeilles. |
Extrait sonore : Abdulkreem Alwashaly - |
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06:15 |
Pour moi, les abeilles font partie de la famille. |
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Nous vivons en parfaite harmonie. |
06:24 |
Plan extérieur – Un apiculteur enseigne à un enfant comment s’occuper des abeilles. |
Extrait sonore : Badda Saleh – Beja |
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Nous vivons en harmonie avec les abeilles. |
06:40 |
Elles sont indispensables à la vie humaine et, dans la région de Beja, il y a des variétés d’arbres pour chaque saison de l’année. |
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Les abeilles jouent un rôle bénéfique pour l’économie et la santé des êtres humains ; elles offrent aussi de nombreux autres avantages. |
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Je considère les abeilles comme mes enfants. |
07:01 |
Nous vivons en harmonie. |
07:06 |
La guerre nous a cruellement touchés quand nous avons dû fuir pour nous mettre en sécurité ; nous avons abandonné les ruches derrières nous. |
07:14 |
Nous ne pouvions pas les emmener. |
07:19 |
Elles sont restées ici pendant cinq mois et nous en avons perdu plus des trois quarts. |
07:24 |
Plan extérieur – Apiculteur examinant des ruches. |
07:40 |
Plan extérieur – Apiculteur s’affairant autour des ruches. |
08:07 |
Plan extérieur – Apiculteurs et ruches dont on a extrait le miel. |
08:13 |
Plan extérieur – Apiculteur se dirigeant vers des ruches. |
Extrait sonore : Yousuf Ibrahim – Hajjah |
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08:30 |
C’est une époque très difficile. |
08:34 |
Nous ne pouvons pas déplacer les ruches et nous n’avons qu’une seule saison. |
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Extrait sonore : Apiculteur de Hajjah |
08:40 |
Il est devenu difficile de se déplacer. La situation devient chaque jour plus compliquée et les revenus sont rares.
Ce qui pose le plus problème, c’est la présence de mines dans les aires de butinage. Avant la guerre, nous pouvions nous déplacer facilement d’un point à l’autre, mais aujourd’hui tout le monde craint les mines. |