Madagascar detention et malnutrition: Une double peine parfois fatale
Près d’un prisonnier sur deux à Madagascar souffre de malnutrition modérée ou sévère. En 2015, ce sont plus de 9000 détenus qui ont été identifiés comme malnutris et pris en charge dans le cadre d’un programme alimentaire d’urgence visant à remettre sur pieds cette population extrêmement vulnérable et, in fine, à éviter des décès liés à la malnutrition. Avec plus de 4000 prisonniers déjà pris en charge en 2016, le CICR estime que les chiffres de 2015 seront atteints cette année.
L’Etat malgache, frappé de plein fouet par la crise économique, a de plus en plus de mal à nourrir ses quelque 22,000 détenus. Une circulaire du ministère de la Justice prévoit bien une ration individuelle quotidienne de 750 grammes de manioc mais, dans les faits, celle-ci dépasse rarement les 300 grammes.
Comme l’explique Brigitte Doppler, nutritionniste du CICR en charge du programme alimentaire, « c’est complètement insuffisant, tant sur le plan quantitatif, c’est-à-dire rapport énergétique, qu’évidemment sur le plan qualitatif. A long terme, s’il n’y a pas d’apport autre, c’est forcément létal, c’est un décès ».
Le CICR lance donc en 2011 un programme nutritionnel à l’échelle nationale avec la collaboration active des autorités pénitentiaires, très préoccupées de la situation sanitaire des détenus. Les infirmiers des prisons sont chargés de peser et de mesurer tous les prisonniers chaque mois et d’envoyer ces données au CICR. A l’analyse de ces données, le CICR propose d’ouvrir un programme nutritionnel, dont les bénéficiaires, malnutris modérés ou sévères, sont eux examinés chaque semaine. La guérison intervient normalement au bout de trois mois. Dans chaque lieu de détention, les bénévoles de l’Aumônerie catholique des prisons préparent tous les jours le repas spécial des détenus malnutris.
La situation ne s’est pas améliorée du jour au lendemain : le CICR a dû revoir toute la chaîne alimentaire et l'approvisionnement en bois de chauffe, construire des fours améliorés, standardiser les gamelles et les louches pour que, au bout du compte, chaque détenu malnutri reçoive la quantité de nourriture adéquate quotidiennement.
Jacky Rambeloson est incarcéré depuis juin 2015 à la prison de Tuléar. Un mois seulement après son arrivée, sa perte de poids étant conséquente, il doit intégrer le programme alimentaire. Guéri, il sort du programme. Mais ne bénéficiant plus que d’une ration quotidienne de manioc, son état se dégrade de nouveau et, en mars 2016, il réintègre le programme. Comme beaucoup de détenus, les guéris retombent malades à plus ou moins long terme.
Toujours affublé de sa polaire et de son bonnet malgré la chaleur, Jacky ne prend pas de poids depuis un mois. « Quand mon poids était normal, je n’avais mal nul part, explique-t-il. Mais depuis décembre, je n’arrête pas d’avoir froid et je ressens des picotements sur tout mon corps. J’ai senti rapidement que je perdais du poids. » Très affaibli, Jacky a dû être hospitalisé à la fin du mois de juin. Les médecins soupçonnent la présence d’une maladie asymptomatique, cachée par son état de malnutrition.
Victorien Moha, en tant que Chef d’Etablissement de la prison de Tuléar, avoue que sa tâche est difficile : « Notre premier rôle est d’éviter que ce genre de choses n’arrivent, qu’il y ait des morts parmi les détenus. Les personnes détenues doivent manger à leur faim au jour le jour, malgré le peu de moyen que nous avons. »
En 2011, à l’ouverture du programme nutritionnel, les autorités pénitentiaires enregistraient environ 150 décès par an dans la population carcérale, dont plus des deux-tiers étaient liés à la malnutrition.
En 2015, on comptait malheureusement encore plus d’une cinquantaine de décès par an, dont la moitié restaient liés à la malnutrition (27).
Faits essentiels
- Le budget de l’administration pénitentiaire a baissé d’environ 70 pour cent depuis 2009 avec un impact important sur le budget alloué à la nourriture des quelque 22'000 détenus.
- Le programme de lutte contre la malnutrition mis en place par le CICR en 2011 concerne près de la moitié des 42 établissements pénitentiaires que compte Madagascar.
- Environ un tiers des nouveaux incarcérés à la prison de Tuléar arrivent malnutris.
- Le manque d’aliments et de vitamines ralentit le métabolisme à un tel point que le corps n’a plus la force de réagir en cas de maladie. Souvent, il n’y a pas de fièvre, pas de symptômes, et des maladies ou des infections graves potentiellement mortelles, comme la tuberculose ou le paludisme, peuvent passer inaperçues.
- Les détenus les plus pauvres ou ne bénéficiant pas d’un soutien alimentaire fourni par des amis ou de la famille sont les plus mal lotis.
- Le repas spécial préparé pour les détenus malnutris se compose de 350 grammes de riz, 130 grammes de haricots secs, 200 grammes de légumes, tout cela agrémenté de sel et de l’huile en quantité pour une prise de poids plus rapide.
- Les détenus souffrant d’une forme grave de malnutrition reçoivent, en plus de la ration « normale » de manioc et du repas spécial, une pâte énergétique appelée Plumpy Nut.
- Autorités locales comme organisations internationales estiment qu'un enfant malgache sur deux de moins de cinq ans souffre de malnutrition chronique.
Liste des plans
Lieu : Madagascar, prison de Tuléar
Durée 05 39
Format : H264 Mov HD
Production : Didier Revol
Montage : Laurent Graenicher
Caméra : Volana Razafimanantsoa
Son : Français/Malagasy
Réf. CICR : AV489N
Date : juin 2016
Copyright : CICR accès libre
00 00 00 Ouverture des portes des dortoirs de la prison de Tuléar et sortie des détenus dans la cour (6 plans).
00 29 13 Détenus amenant les marmites de manioc dans la cour (2 plans).
00 35 19 Service du manioc cuit dans les gamelles des prisonniers (3 plans).
00 48 05 Détenu qui mange debout sa ration de manioc (2 plans).
00 55 00 Détenu Marakolezy mangeant sa ration dans un dortoir (3 plans).
01 08 16 ITW Marakolezy – détenu – 20 sec
« Notre nourriture ici, c’est juste ça. Si vous recevez autre chose, c’est qu’il y a des amis ou de la famille qui vous l’apporte. Vous pouvez recevoir du blé, du manioc, du riz. Mais nous qui sommes pauvres, nous n’avons que du manioc à manger tous les jours. On attend juste notre part de la grosse marmite. »
01 29 05 Un détenu qui mange assit dans le dortoir.
01 32 22 ITW Brigitte Doppler - déléguée CICR - nutritionniste - 26 sec (dans la cours de la prison, devant des prisonniers qui brisent du manioc sec)
Ceux qui ne mangent que ça, malheureusement ça ne peut pas couvrir les besoins, d’autant plus qu’ils devraient recevoir 750 grammes par jour. Dans la prison de Tuléar, ils en reçoivent 400. Dans d’autres prisons, ça descend à 200, 250 grammes. C’est donc complètement insuffisant, tant sur le plan quantitatif, c’est-à-dire rapport énergétique, qu’évidemment sur le plan qualitatif. On ne peut pas se nourrir exclusivement de manioc au quotidien. Cela manque de tout malheureusement.
01 59 00 (suite) INTW Brigitte Doppler, nutritionniste CICR - 10 sec
« Et à long terme, s’il n’y a pas d’apport autre, c’est forcément létal, c’est un décès. Voilà. »
02 08 23 Détenus accroupis brisant le manioc sec en petits morceaux (3 plans).
02 20 06 Longue file de détenus malnutris traversant la cour en file indienne, se dirigeant vers le préau où ils seront pesés et mesurés.
02 28 14 Détenus accroupis attendant leur tour pour la toise (2 plans)
02 34 14 Examen médical réalisé dans la cour par l’infirmier de la prison et Brigitte Doppler, déléguée nutritionniste du CICR (4 plans).
02 53 22 ITW Brigitte Doppler - 11 sec
« Donc c’est un patient qui ne prend pas de poids depuis quatre semaines, depuis un mois. Nous allons le voir en consultation cet après-midi pour essayer de trouver la cause de cette absence de prise de poids. »
03 04 13 Infirmerie de la prison. Marie-Ange Razananantsoa, déléguée médecin du CICR, et l’infirmier de la prison examinent le détenu Jacky Rambeloson (6 plans).
03 27 19 ITW Jacky Rambeloson – détenu - 10 sec
« On meurt si on ne mange pas. Avec le peu qu’on nous donne, voilà ce qu’il se passe. Et puis je n’arrête pas de penser à mes problèmes. Alors s’il n’y a pas de nourriture en plus, c’est la mort assurée. »
03 38 02 ITW Jacky Rambeloson – Détenu - 19 sec
« Quand mon poids était normal, je n’avais mal nulle part. Mais depuis décembre, je n’arrête pas d’avoir froid et je ressens des picotements sur tout mon corps. J’ai senti rapidement que je perdais du poids. »
03 57 02 Le directeur de la prison de Tuléar discutent avec les détenus avant la fermeture des baraquements (3 plans)
04 13 19 ITW Victorien Moha - Directeur de la prison de Tuléar - 22 sec
« En tant que chef d’établissement, notre premier rôle est d’éviter que ce genre de choses n’arrivent, qu’il y ait des morts parmi les détenus. Les personnes détenues doivent manger à leur faim au jour le jour, malgré le peu de moyen que nous avons. »
04 35 17 Préparation de la nourriture pour les malnutris (7 plans)
05 05 13 INTW Brigitte Doppler - déléguée CICR - nutritionniste - 10 sec
« Ici, c’est la prise du repas supplémentaire pour les malnutris modérés. Riz, haricots, huile, légumes, ce qui leur apporte 2400 kilocalories. »
05 15 02 Distribution du repas spécial aux malnutris qui mangent leur ration (7 plans)
05 38 22 Fin