MALI : Les violences d’Ogossagou, un révélateur de la dégradation de la situation humanitaire au centre du Mali
SITUATION
Deux semaines après l’attaque perpétrée dans le village d’Ogossagou, dans laquelle plus de 161 personnes (selon les estimations officielles) auraient péri, le temps semble s’être figé sur une vision d’apocalypse.
Une poussière rougeâtre soufflée par le vent recouvre tout : cases et greniers incendiés, bâtisses criblées d’impacts de balles, voitures calcinées, cadavres d’ânes. Les puits pollués avec des carcasses d’animaux sont inutilisables. Les troupeaux ont été emportés. Les familles ne se remettent pas encore du choc de ce massacre qui vient s’ajouter à une série récente d’événements très violents entre éleveurs et agriculteurs de la région.
Sadio Kelly, dix-sept ans, rescapée, témoigne : « Nous n’avons pas eu le temps de fuir. Ceux qui ont essayé se sont fait tirer dessus. Ils ont jeté beaucoup de personnes dans le puits. C’est pour ça que nous venons chercher de l’eau à la pompe. Ils ont tenté de la détruire aussi en vain. Ils ont brûlé beaucoup de hangars d’animaux et de vivres. Ils ont tiré sur les gens. Une balle m’a effleurée. »
Les populations essaient de se relever mais les conditions de vie sont précaires.
Afin de répondre aux besoins urgents, une assistance alimentaire a été remise à l’ensemble des habitants du village d’Ogossagou dès le 31 mars, soit plus de 1500 personnes, aussi bien dogons que peuls, par la Croix-Rouge malienne et le CICR. Ces derniers ont également reçu des articles ménagers de première nécessité puisque leur partie du village a été détruite à 90%. Des activités sont par ailleurs mises en œuvre pour aider à rétablir les liens familiaux entre ceux qui ont été évacués à l’hôpital de Mopti et ceux qui sont restés au village.
La Croix-Rouge malienne est surtout rapidement intervenue pour évacuer les 74 blessés – dont 43 dans un état grave – depuis Bankass, ville la plus proche située à une vingtaine de kilomètres du village d’Ogossagou, vers l’hôpital de Mopti, Somine Dolo, et aussi pour maintenir des liens familiaux entre ceux restés au village et ceux évacués à l’hôpital. Quelques rescapés y sont soignés :
Abdoulaye Barry, rescapé accompagnant son ami Boukary, blessé à la tête, témoigne : « Tout a été détruit. Je ne possède que ce boubou que l’on m’a donné ici. Il ne me reste plus que ma vie et mon souffle. »
Les blessures, invisibles, tapies au fond des cœurs et des souvenirs, risquent de s’enraciner pour longtemps. Le CICR a dépêché Insaf Mustafa, psychologue en soutien psychosocial de crise, pour aider les blessés hospitalisés et les patients les plus affectés à mettre des mots sur leur détresse :
« Quand on parle d’événement traumatique de ce genre, les douleurs ne sont pas uniquement physiques. Les dégâts sont également psychologiques. Le trauma ne s’exprime pas seulement par des pleurs ou de la tristesse mais aussi par des symptômes physiques, des maux de tête, des difficultés à trouver le sommeil ou une perte d’appétit. »
Les populations restées au village, quant à elles, vivent dans l’angoisse d’une nouvelle attaque. Cette angoisse est d’autant plus forte qu’elle est seule à occuper les esprits car les populations n’ont plus accès à leurs champs et ont perdu tous leurs moyens de subsistance.
Le drame qu’a vécu le village d’Ogossagou est extrêmement préoccupant et vient souligner la dégradation sécuritaire et l’exacerbation des tensions intercommunautaires au centre du Mali, alors que le Nord du pays demeure extrêmement volatile.
Cette dégradation de la situation sécuritaire a eu des conséquences humanitaires complexes, notamment des mouvements de population sans précédent, en particulier dans la région de Ménaka, frontalière du Niger. Elle interrompt aussi les mécanismes de résilience naturelle développés par les communautés pour parer aux effets du changement climatique et augmente la pression sur des ressources déjà très limitées. L’insécurité, les inondations suivies de sécheresses sont les éléments entraînant une crise humanitaire qui affecte 7,2 millions de personne au Mali, dont environ 50% de femmes et 19% des enfants de moins de cinq ans. L’enchaînement de ces chocs à répétition empêche 3,2 millions de personnes d’assurer leur sécurité alimentaire ou d’accéder aux centres de santé (rapport du Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires du 22 janvier 2019). La situation engendre aussi un important mouvement interne de déplacements des populations : en l’espace de six mois, le nombre a doublé, passant à 120 000 dans tout le pays, dont plus de 54 000 dans la seule région centrale de Mopti (Bulletin OCHA, janvier 2019).
Le CICR demande à tous les acteurs de faire preuve de retenue, d’assurer la protection de la population et de faciliter l’accès des organisations humanitaires à la région.
Ces images peuvent être téléchargées à partir du site « Video Newsroom »
du CICR :
Pour plus d’information :
CICR Mali (Emmanuel Kagimbura) : (+223) 75995568
CICR Dakar, Centre Régional pour l’Afrique de l’Ouest (Françoise Lambert) : (+ 221) 781 864 687
CICR Genève (secrétariat de presse) : + 41 79 217 32 32
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LISTE DES PLANS
Lieu : Ogossagou (Mali)
Durée : 7’39’’
Format : 1920 x 1080 H264 .mov
Camera, production, montage : Birom Seck
Date : Avril 2019
Copyright : CICR libres de droits
OGOSSAGOU
00:00 – 00:08 Entrée d’Ogossagou côté peulh en voiture
00:08 – 00:15 Panneau Ogossagou dans une maison détruite (2 plans)
00:15 – 00:40 SOUNDBITE ALI BARRY, CHEF DU VILLAGE D’OGOSSAGOU
00:15 – 00:22 La plupart des corps brûlés sont enterrés ici.
Il y en a une dizaine de l’autre côté.
00:22 – 00:26 Non, il y en a beaucoup plus là-bas.
00:26 – 00:28 Et combien penses-tu qu’il y en ait là-bas ?
00:28 – 00:33 Je ne sais pas mais on a enterré les corps carbonisés ici
et là-bas les moins brûlés là-bas.
00:33 – 00:40 Voilà, les corps carbonisés et les moins brûlés là-bas.
00:40 – 00:45 Fosse commune
00:45 – 00:56 Issa Ba découvre ce qu’il reste de la mosquée (2 plans)
00:56 – 01:11 SOUNDBITE ISSA BA, NOTABLE DU VILLAGE D’OGOSSAGOU
00:56 – 00:59 Ils ont détruit ces véhicules que vous voyez.
00:59 – 01:02 Ils ont détruit les habitations. Les dégâts sont immenses.
01:02 – 01:04 Ils ont saccagé les maisons de nos mères.
01:04 – 01:08 Ils ont bien pris de ne rien laisser derrière eux.
01:08 – 01:11 Pour le reste, on s’en remet à Dieu.
01:11 – 01:18 Voitures carbonisées et criblées de bales (2 plans)
01:18 – 01:26 Un homme extrait une balle d’un mur criblé d’impacts (2 plans)
01:26 – 01:30 Âne blessé par brûlure
01:30 – 01:34 Carcasse d’âne brûlé
01:34 – 01:37 Femme qui marche dans le village
01:37 – 02:00 Images du village détruit (7 plans)
02:00 – 02:04 Des enfants marchent dans le village
02:04 – 02:10 Un enfant seul dans le brouillard (2 plans)
02:10 – 02:13 Des femmes vont chercher de l’eau à la pompe
02:13 – 02:17 Des femmes utilisent la pompe
02:17 – 02:23 Sadio Kelly, montre ses blessures à son amie à la pompe (2 plans)
02:23 – 02:46 SOUNDBITE SADIO KELLY, RESCAPÉE, 17 ANS
02:23 – 02:28 Nous n’avons pas eu le temps de fuir. Ceux qui ont essayé se sont fait tirer dessus.
02:28 – 02:31 Ils ont jeté beaucoup de personnes dans le puits.
02:31 – 02:33 C’est pour ça que nous venons chercher de l’eau à la pompe.
02:33 – 02:35 Ils ont tenté de la détruire aussi en vain.
02:35 – 02:41 Ils ont brûlé beaucoup de hangars d’animaux et de vivres.
02:41 – 02:46 Ils ont tiré sur les gens. Une balle m’a effleurée.
DISTRIBUTION À OGOSSAGOU
02:46 – 03:09 Distribution de vivres et biens essentiels aux populations d’Ogossagou peul (7 plans)
03:09 – 03:13 Personnel du CICR et de la Croix-Rouge malienne qui marchent dans le village
03:13 – 03:39 Distribution de vivre aux populations d’Ogossagou Dogon (7 plans)
HÔPITAL DE MOPTI
03:39 – 03:46 Vues extérieures de l’hôpital de Mopti (2 plans)
03:46 – 03:52 Fille blessée par balle au pied (2 plans)
03:52 – 03:58 Femme qui allaite blessée par balle à la jambe (2 plans)
03:58 – 04:02 Femme blessée au visage
04:02 – 04:06 Abdoulaye Barry discute avec son ami
04:06 – 04:17 SOUNDBITE ABDOULAYE BARRY
04:06 – 04:14 Tout a été détruit. Je ne possède que ce boubou qu’on m’a donné ici.
04:14 – 04:17 Il ne me reste plus que ma vie et mon souffle.
GROUPE DE DISCUSSION DES RESCAPÉS D’OGOSSAGOU
04:17 – 04:21 Insaf Mustapha Charaf anime un groupe de discussion avec des rescapés d’Ogossagou
04:21 – 04:26 Quand on le fait sortir, c’est vrai que ça nous fait mal. Mais après, ça calme.
04:26 – 04:33 Hawa Barry participant au groupe de discussion (2 plans)
04:33 – 05:29 Participants lors du groupe de discussion (16 plans)
05:29 – 05:38 SOUNDBITE AMADOU BARRY, 27 ANS ORIGINAIRE D’OGOSSAGOU
05:29 – 05:31 Ces discussions ont beaucoup d’importance pour nous.
05:32 – 05:38 Elles nous aident à calmer nos esprits. Cela me sert énormément.
05:38 – 05:44 Insaf écoute Hawa Barry, une patiente originaire du village d’Ogossagou Peulh qui vient de perdre deux de ses enfants :
« Depuis que mes enfants ont perdu la vie pendant l’attaque, je n’en dors plus la nuit. Je suis incapable d’oublier. »
05:44 – 05:48 Insaf écoute Hawa Barry
05:48 – 05:52 Insaf tient la main de Hawa Barry
05:52 – 06:08 Différents plans d’Hawa Barry avec sa fille (4 plans)
06:08 – 06:12 Hawa discute avec une amie.
06:12 – 06:16 Hawa à son amie : « Je ne compte pas rester vivre à Ogossagou. »
06:16 – 06:19 La fille de Hawa dans ses bras
06:19 – 06:26 Hawa à sa fille : «Tu as soif ? » (2 plans)
06:26 – 07:06 SOUNDBITE HAWA BARRY , 32 ANS, MÈRE DE 3 ENFANTS DONT DEUX DÉCÉDÉS PENDANT L’ATTAQUE D’OGOSSAGOU
06:26 – 06:30 Depuis mon arrivée ici, je n’arrive pas à trouver le sommeil.
06:30 – 06:35 Une personne souffre même quand elle partage sa douleur, à plus forte raison quand ses parents ne sont pas auprès d’elle.
06:35 – 06:42 Quand tu n’es pas avec les tiens quand quelque chose de grave t’arrive, c’est traumatisant.
06:42 – 06:46 Mais je rends grâce ç Dieu. Je n’y peux rien.
06:46 – 06:52 Je vais rentrer chez moi pour retrouver ma famille.
06:52 – 06:57 Je n’étais à Ogossagou que depuis peu.
06:57 – 07:03 Dieu a voulu que les attaques nous trouvent sur place.
07:03 – 07:06 C’était le destin.
07:06 – 07:39 SOUNDBITE INSAF MUSTAPHA CHARAF, DELEGUEE SANTE MENTALE CICR
07:06 – 07:14 Quand on parle d’évènements traumatiques de ce genre, les douleurs, les maux ne sont pas uniquement physiques.
07:14 – 07:22 Les dégâts ne sont pas uniquement physiques et matériels mais sont également des dégâts psychologiques.
07:22 – 07:28 Le trauma ne s’exprime pas seulement avec des pleurs ou avec une tristesse.
07:28 – 07:39 Ça s’exprime aussi avec des symptômes physiques, des maux de têtes, des difficultés d’endormissement, une perte d’appétit. Ainsi de suite.
FIN