NIGÉRIA: DES MILLIERS D’ENFANTS PORTÉS DISPARUS, DES MILLIERS DE PARENTS DÉSESPÉRÉS
Le pire cauchemar de tout parent est de rester sans nouvelles de son enfant. Après une décennie de conflit dans le nord-est du Nigéria, quelque 22 000 personnes disparues ont été enregistrées auprès du CICR. Parmi ces personnes dont la famille ignore le sort, il y a un grand nombre d’enfants. Plongés dans l’angoisse, les pères et les mères de ces enfants espèrent aujourd’hui que le CICR sera en mesure de retrouver leur trace. Falmata a été séparée de son fils il y a six ans, lorsque leur village a été attaqué. Il venait juste d’avoir dix ans.
« Je ne pouvais pas dormir. C’est tout juste si je pouvais manger quelque chose », se souvient-elle. « J’avais de la peine à rencontrer des gens, je n’avais pas la tête à ça. Maintenant encore, au moment d’aller dormir, je pense à mon fils, nuit après nuit. Mes yeux restent ouverts jusqu’à l’aube. Je n’espère qu’une chose : que mon fils soit retrouvé. C’est tout ce que je demande. »
Ignorer le sort d’un être cher, attendre anxieusement des nouvelles : les familles des personnes disparues paient un terrible tribut et ont parfois le sentiment de ne pas pouvoir continuer à vivre. Le fils de Fati a disparu il y a cinq ans, après avoir été enlevé lorsque leur village a été attaqué. Fati a également perdu son mari.
« Pendant les trois ans que nous avons passés à Maiduguri, mon mari était très tourmenté. Il faisait des cauchemars toutes les nuits », explique Fati. « Dans son sommeil, mon mari ne cessait de crier le nom de notre fils, ‘Alkali, Alkali, Alkali´. Il a fini par mourir de chagrin. »
Près de 28 000 personnes déplacées vivent aujourd’hui dans le camp de Gubio, dans le nord-est du Nigéria. Ce n’est que l’un des nombreux camps que compte la région, car des centaines de milliers de personnes ont dû s’enfuir de leur foyer.
Le CICR travaille sans relâche pour tenter de retrouver la trace des personnes portées disparues et, dans la mesure du possible, réunir les familles qui ont été séparées. Le président du CICR, Peter Maurer, relève toutefois que les 22 000 cas dont le CICR a aujourd’hui connaissance ne sont peut-être qu’un début.
« D’énormes déplacements de population ont eu lieu – la trace d’un nombre considérable de personnes s’est donc perdue », déclare-t-il. « Des proches, des pères, des mères, des fils et des filles, des familles entières ont disparu. Les 22 000 dossiers ouverts au CICR ne constituent que la pointe de l’iceberg. Le phénomène va fort probablement s’amplifier ici, au Nigéria, au fur et à mesure de l’évolution du conflit. »
Les efforts engagés pour retrouver les personnes disparues et réunir les familles ne se bornent pas à l’enregistrement de données et d’informations. En leur apportant des conseils et un soutien en matière de santé mentale, le CICR accompagne les parents qui tentent de surmonter le traumatisme provoqué par le fait d’ignorer ce qu’il est advenu de leur enfant.
Fati continue d’attendre. S’il est vivant, son fils disparu est aujourd’hui âgé de 19 ans.
« Je demande à Dieu de nous aider, pour que notre situation s’améliore, que je puisse répondre aux besoins essentiels de mes enfants », explique Fati. « Pour ce qui est de mon fils disparu, s’il est encore en vie, je prie pour que Dieu tout-puissant lui permette de revenir sain et sauf parmi nous ; s’il est mort, que Dieu ait pitié de lui et lui donne la paix. »
Des milliers de parents partagent ce tourment. « Aucun père, aucune mère ne cessera jamais de chercher et d’espérer, aussi longtemps que ces parents ne sauront pas avec certitude ce qui est arrivé à leurs enfants », explique Falmata.
« Mon fils, où qu’il soit aujourd’hui, sait que l’éducation est ma priorité pour lui. Où qu’il soit, s’il y a un endroit où il peut lire à l’aise, il s’y installera et il commencera à lire. Même là, maintenant, je pense qu’il serait en train de lire ses livres. Quand je vois comment la Croix-Rouge s’efforce de regrouper les familles qui ont été séparées, j’ai bon espoir d’être un jour réunie avec mon fils. C’est cet espoir qui me fait tenir ici. »
FAITS ET CHIFFRES CLÉS
- Le Nigéria est le pays du monde qui compte le plus grand nombre de personnes disparues activement recherchées aujourd’hui par le CICR.
- Près de 60 % de ces personnes étaient mineures au moment de leur disparition.
- À ce jour, seuls 367 cas ont pu être résolus par le CICR, ce qui montre à quel point il est difficile de rétablir le contact entre les membres des familles séparées au Nigéria. Dans le nord-est du pays, de vastes zones restent totalement inaccessibles aux organisations humanitaires. Les recherches sont d’autant plus complexes que les combats provoquent de multiples déplacements de population.
- Le CICR considère qu’une personne est portée disparue dès lors qu’un membre de sa famille signale à l’institution qu’il a perdu sa trace. Chaque dossier reste ouvert jusqu’à que le réseau de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge parvienne à élucider le sort de la personne disparue, ou que sa famille nous indique qu’elle l’a retrouvée.
Informations complémentaires :
- Vincent Pouget, coordonnateur chargé de la communication, CICR Abidjan, +2349087654206,vpouget@icrc.org
- Crystal Wells, déléguée chargée des relations avec les médias, CICR Nairobi, +254716897265,cwells@icrc.org
- Aurélie Lachant, responsable des relations publiques, CICR Genève, +41792446405,alachant@icrc.org
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