Yémen : le conflit et la crise climatique poussent les agriculteurs au point de rupture
Les trois quarts de la population yéménite vivent de l’agriculture et l’élevage, mais la crise climatique pousse au point de rupture les communautés déjà ébranlées par près de huit ans de conflit. Les agriculteurs du Yémen ont vu leurs moyens d’existence détruits par la sécheresse extrême, des inondations dévastatrices et un conflit écrasant. En conséquence, il leur est de plus en plus difficile de gagner assez d'argent pour vivre.
Agriculteur à Dhamar dans la région rurale de Sanaa, Mohammed incarne le combat mené aujourd’hui par de si nombreux Yéménites. Le conflit a réduit sa maison à un tas de débris. Puis des pluies torrentielles se sont abattues. « Les inondations ont emporté nos exploitations et nos maisons », raconte-t-il. « J’ai le sentiment que ma vie est fichue. Je n’ai plus ni terre ni maison. Tout est fini. »
Les inondations des derniers mois ont eu des répercussions dévastatrices sur le secteur agricole, détruisant les récoltes et déplaçant des restes explosifs de guerre vers les zones agricoles. Dans un contexte de très grave crise de la sécurité alimentaire, cela ne va faire qu’aggraver une situation déjà alarmante dans le pays. Aujourd’hui, environ 19 millions de personnes à travers tout le Yémen n’arrivent pas à satisfaire leurs besoins nutritionnels quotidiens, contre 16,2 millions l’année dernière. Cela correspond actuellement à 63% de la population totale, par rapport à 53% l’an dernier.
La crise climatique et le conflit obligent également davantage de familles à abandonner leur foyer. On estime à plus de 3,3 millions le nombre de Yéménites déplacés actuellement. Il n’est pas rare que des personnes fuient leur maison pour se mettre à l’abri du conflit, puis qu’elles partent à nouveau parce que la terre n’est pas cultivable. Dans certaines zones, des munitions non explosées sont dissimulées dans ce qui devrait être des terres agricoles, rendant le travail de la terre périlleux. La pénurie d’eau qui frappe le Yémen, exacerbée par le conflit prolongé et plusieurs années de sécheresses répétées, a limité l’accès à l’eau potable pour 17,8 millions de personnes. En conséquence, un nombre croissant de paysans sont contraints de renoncer à leur profession.
« Ce barrage est vide aujourd’hui ; dire qu’il alimentait nos terres avant. Les sécheresses à répétition ont durement frappé les agriculteurs », regrette Nader, dont la famille pratique l’agriculture à Abyan depuis quatre générations. « De nombreux paysans ont dû abandonner leur activité et chercher un autre emploi, parce que l’agriculture ne suffit plus pour subvenir aux besoins essentiels de leur famille. »
Le CICR travaille en étroite collaboration avec le Croissant-Rouge du Yémen pour aider les communautés rurales les plus vulnérables à assurer leur subsistance. Par exemple, en 2021, plus de 112 500 éleveurs ont bénéficié de campagnes de vaccination et de traitement du bétail, tandis que des milliers d’agriculteurs ont reçu en 2022 des subventions en espèces à usages multiples, ou bénéficié de programmes d’initiatives microéconomiques ou de dons de semences de blé et de café.
À l’instar de nombreux pays touchés par des conflits, le Yémen souffre des conséquences du dérèglement climatique de manière disproportionnée. Le CICR demande un soutien accru pour aider les populations à faire face et s’adapter au changement climatique dans des pays tels que le Yémen.
Informations complémentaires :
Ali Daoudi (Sanaa) adaoudi@icrc.org +967 737889476
Imene Trabelsi (Beyrouth) itrabelsi@icrc.org +961 3 138 353
Jason Straziuso (Genève) jstraziuso@icrc.org +41 22 730 20 77
Notes à l’intention des rédactions
Le CICR s’est fixé pour objectif de s’appuyer constamment sur une énergie durable et respectueuse de l’environnement dans le cadre de ses interventions humanitaires dans différentes régions du Yémen. Il a par exemple récemment installé un système de pompage de l’eau alimenté par l’énergie solaire pour améliorer l’accès à l’eau potable de 36 000 personnes dans le district de Mabyan, situé dans le gouvernorat de Hajjah.
Le CICR au Yémen : soutien aux moyens d’existence
- En 2021, le CICR a fourni à plus d’1 600 000 personnes une aide d’urgence sous diverses formes, en distribuant notamment de la nourriture, des aides en espèces inconditionnelles, des articles ménagers de première nécessité ainsi que des produits agricoles et d’origine animale. Ces actions ont été menées à bien en coordination avec le Croissant-Rouge du Yémen et les communautés locales. De même, en 2021, plus de 112 500 éleveurs ont bénéficié de campagnes de vaccination soutenues par le CICR.
- En 2021, plus de 3700 apiculteurs et agriculteurs ont été bénéficiaires de programmes d’apiculture du CICR et d’un soutien agroalimentaire dans différentes régions du pays.
- En 2022, le CICR prévoit de continuer d’assister les apiculteurs en leur offrant des formations et un soutien financier.
- Le CICR apporte son soutien à des activités durables et génératrices de revenus, comme l’apiculture, pour favoriser l’autonomie de la population yéménite et l’aider à gagner en indépendance à long terme.
Loglist
Titre : Yémen
Lieux : Abyan / Dhamer / Lahij / Marib
Durée : 6 min
Producteur : CICR / Wagdi Almaqtiri
Langues de production : arabe, anglais
Dates de tournage : 02.08.2022 Abyan / 04.09.2022 Dhamar / 30.10.2022 Lahij / 03.11.2022 Marib
Droit d’auteur : CICR – images libres de droits
Script
00:00–00:30 Plans en drone (B-roll) de zones agricoles à Lahij.
00:30–01:09 B-roll en extérieur, maisons détruites par les pluies à Lahij.
01:10–01:30 Extrait sonore : Saif Saleh, Al-Hawta, Lahij
Avant, Lahij était une région verdoyante, elle était célèbre pour ça.
Elle était connue pour sa beauté, ses terres fertiles, la variété des fruits et légumes cultivés, mais nous traversons aujourd'hui une crise, car les puits et les rivières se sont asséchés.
01:31–01:41 J’ai 76 ans, et je n’ai jamais connu une telle chaleur. Les températures sont si élevées maintenant.
01:42–01:59 Aujourd’hui, on est en guerre. On se déplace d’un endroit à l’autre. Je suis revenu chez moi après cinq ans d’absence, et les fortes pluies ont abîmé ma maison, c’est devenu dangereux d’y vivre.
02:00–02:02 Les maisons de très nombreux habitants de la région d’Al-Hawta ont été détruites par les inondations.
02:03–02:09 B-roll en extérieur. Images du village d’Al-Kherbeh, dans le district de Jahran (Dhamar), montrant des exploitations inondées par les pluies et des récoltes détruites.
02:10–03:39 B-roll en extérieur. Images de la destruction des maisons et des terres des villageois.
02:40–02:49 Extrait sonore : Ahmed Aydha, village d’Al-Kherbeh, Dhamar
Nous n’avons jamais connu d’inondations par le passé. J’ai déjà un certain âge, et de toute ma vie, jamais je n’avais vu d’inondations dans cette région. Les pluies sont si fortes et violentes.
02:50–03:02 La puissance des crues et des pluies a détruit les pommes de terre, oignons et tomates, et toute la végétation de la zone est inondée.
03:03–03:13 Extrait sonore : Mohammed Ahmed, village d’Al-Kherbeh, Dhamar
Nous avons tout perdu à cause de la chaleur et des inondations qui ont frappé la région.
Les inondations nous ont pris nos exploitations et nos maisons.
J’ai le sentiment que ma vie est fichue. Je n’ai plus ni terre ni maison. Tout est fini.
03:14–03:39 Divers plans (B-roll) du célèbre barrage « Wādī dam » à Abyan, complètement asséché pour la première fois depuis des décennies.
03:40–04:07 Extrait sonore : Yasser Saleh, Abyan
Avant, cette zone profitait largement des barrages.
Ce barrage est vide aujourd’hui ; dire qu’il alimentait nos terres avant. Les sécheresses consécutives ont durement frappé les agriculteurs.
De nombreux paysans ont dû abandonner leur activité et chercher un autre emploi, parce que l’agriculture ne suffit plus pour subvenir aux besoins essentiels de leur famille.
04:07–04:15 Les agriculteurs ont été contraints d’abandonner leur activité agricole et de changer de métier.
04:16–04:25 Ils ont dû quitter leur exploitation, leurs terres, et partir en quête d’un autre moyen d’existence dans d’autres régions, où l’on renonce aussi à l’agriculture qui était pourtant le principal secteur.
04:25–05:29 B-roll en extérieur. Images de terres agricoles entourées par la désertification à Marib.
05:30–05:52 Extrait sonore : Salem Hassan, Marib
La guerre nous a énormément affectés, surtout à cause des routes coupées, et elle a aussi entraîné une hausse des prix, surtout des semences, ce qui a mené à une désertification accrue des terres cultivables, mais des agriculteurs continuent d’essayer de résister.
05:52–06:00 Ils sont nombreux à avoir quitté leur exploitation en raison de la désertification et fui vers d’autres régions.