Burkina Faso : Lorsque les mots manquent, les enfants dessinent leurs douleurs
Depuis plusieurs années, le Burkina Faso est confronté à des violences armées qui forcent de nombreux civils à abandonner leur lieu de vie, souvent après avoir été témoins d’atrocités. Mais être à l’abri du danger physique ne signifie pas se trouver encore complétement en sécurité : terreurs nocturnes, cauchemars, isolement familial, social et professionnel… Les violences vues et subies laissent de graves séquelles psychologiques.
Ces « blessures invisibles » sont fréquemment négligées et peuvent entraîner des conséquences tragiques et difficilement surmontables si elles ne sont pas prises en charge. Les enfants sont particulièrement à risque car ils n’ont pas la même capacité qu’un adulte à s’exprimer ou à demander de l’aide.
Agé de 15 ans, Aly a dû attendre trois ans avant de pouvoir faire face aux événements traumatiques dont il a été témoin et qui l’ont poussé, lui et sa famille, à fuir leur localité. Ils se sont retrouvés dans un quartier à la périphérie de Ouahigouya, dans le nord-ouest du Burkina Faso* . « On a commencé par des médicaments traditionnels puis la médecine moderne mais sans résultat », explique le père d’Aly. Les maux de tête et les terreurs nocturnes de son fils ne cessaient pas.
* un chiffre a été communiqué dans la version précédente de ce texte. Ce chiffre ne correspondait pas au nombre total de déplacés mais plutôt au nombre de personnes déplacées prises en charge par un centre de santé soutenus par le CICR.
A Ouahigouya, la prise en charge des blessures psychologiques est un vrai défi. L’hôpital universitaire régional, bien que doté d’un département de psychiatrie, ne s’occupe que des cas jugés les plus graves comme les personnes blessées par armes. Pour les autres personnes comme Aly, il n’existait pas d’autres recours avant la mise en place de soins spécialisés par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Après une session de sensibilisation sur les troubles mentaux effectuée au sein de la communauté par des agents de santé, la mère d’Aly a inscrit ce dernier à une thérapie disponible au centre médical Lazaré de Ouahigouya. Le CICR a formé les agents de santé communautaire qui s’occupent du suivi à domicile, ainsi qu’une psychologue qui y travaille.
En 2023, le CICR identifiait un nombre croissant d’enfants traumatisés par les actes de violences auxquels ils avaient assisté. Il a donc mis en place, dans les villes de Ouahigouya et Dori, un projet qui permet aux enfants d’extérioriser leurs émotions en utilisant le dessin, l’écriture et le conte.
Petit à petit, des enfants comme Aly ont retrouvé un espace d’expression. Ils peuvent ainsi verbaliser leurs peurs et reprendre un semblant de vie normale : jouer, manger, dormir, interagir avec les autres, parler, ou encore travailler à l’école.
Aisha, la psychologue du centre Lazaré, confie qu’Aly souffrait beaucoup avant son suivi thérapeutique : « Il culpabilisait parce qu'il n'a pas pu faire quelque chose. Il y a certains de ses amis qui sont restés là-bas. Et c’était des émotions négatives qui le dérangeaient. Du coup, notre travail était de déconstruire ses émotions à travers les dessins qu’il faisait, à travers les écrits qu'il avait ».
Au fil des sessions, Aly parvient à maîtriser ses angoisses psychologiques en dessinant les événements qui le hantent. Lorsque Aisha lui demande pourquoi il est content de ses dessins, Aly répond simplement : « Parce que j’ai pu me libérer. »
Sur le deuxième semestre de 2023, environ 200 enfants à Ouahigouya ont bénéficié d’une prise en charge psychologique au centre médical Lazaré et d’un suivi à domicile par des agents de santé. Soixante-huit d’entre eux, soit 35 pour cent des enfants concernés, ont terminé les suivis thérapeutiques. Au Burkina Faso en 2023, 899 personnes ont bénéficié d’une prise en charge psychologique dans les centres de santé de prévention sociale soutenus par le CICR.
Aujourd’hui, grâce à la thérapie, au suivi à domicile et au soutien de sa famille, Aly a retrouvé le chemin de l’école et renoue des liens plus apaisés avec sa famille. « Il n’a plus de maux de tête. Sa manière de s’exprimer et son comportement ont changé », nous confie, soulagé, le père d’Aly.
For further information please contact:
Eléonore Asomani, CICR Dakar, Tel: +221 78 186 46 87, easomani@icrc.org
Zalissa Sanfo, CICR Ouagadougou, Tel: + +226 05 00 35 39, szalissa@icrc.org
LISTE DES PLANS
Lieu : Ouahigouya – Burkina Faso
Caméra: Alphonse Dioh
Date de tournage : 22 mars 2024
Durée : 5:45
Copyright : images libres de droit
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Plan large du marché de Ouahigouya - Burkina Faso
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Divers plans de familles (2 plans)
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Plan du centre médical Lazaré de Ouahigouya (2 plans)
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Plan large de Aisha la psychologue et de Aly son patient
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Plan serré des dessins de Aly
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Divers plans de Aly (3 plans)
INTERVIEW ALY Patient
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« Quand je dors la nuit,
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je rêve que quelqu’un me poursuit.
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Je m’enfuis
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et des gens essaient de me rattraper.
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Pourquoi il t’arrive de fuir la nuit ?
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Je pense que les mauvaises personnes
sont venues tuer mes parents.
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Quelle appréciation fais-tu de tes dessins ?
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Je suis content
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Pourquoi tu es content ?
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Parce que j’ai pu me libérer. »
INTERVIEW AISHA Psychologue
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« Il se disait :
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bon, nous avons fui notre localité,
nous aurions pu rester
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mais on était impuissant.
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Du coup, il y avait aussi de la culpabilité.
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Il culpabilisait parce qu'il n'a
pas pu faire quelque chose.
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Il y a certains de ses amis qui
sont restés là-bas
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et c'était des émotions négatives qui
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le dérangeaient.
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Du coup, notre travail
était de déconstruire ces émotions
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à travers les dessins qu'il
faisait, à travers les écrits qu'il avait.
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Actuellement, il a des amis.
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Il arrive à reprendre ses cours
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normalement de franco-arabe.
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Il dort bien la nuit,
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il ne fait plus de cauchemars.
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Il a même des projets d'avenir.
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Donc du coup,
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comparé à ce qui existait au début,
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je peux dire qu’il y a une grande évolution.
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Et ça, c'est une satisfaction pour moi. »
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Plan large d’un agent de santé à base communautaire arrivant chez la famille de Aly
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Plan du père de Aly
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Divers plans de Aly et son père (3 plans)
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Plan de Aly
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Plan de l’agent de santé à base communautaire discutant avec le père de Aly
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Plan de l’agent prenant des notes
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Plan de Aly discutant avec l’agent
INTERVIEW ABDOULAYE OUÉDRAOGO Père de Aly
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« Ce qui le fatiguait,
c’était les maux de tête et la peur aussi.
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Mais depuis sa participation au programme,
je remercie Dieu.
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On a commencé par des médicaments traditionnels
puis la médecine moderne mais sans résultat.
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Mais avec ce programme,
nous avons constaté une grande différence.
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Maintenant on rend grâce.
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Il n’a plus les maux de tête.
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Sa manière de s’exprimer
et son comportement ont changé. »
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Divers plans de la formation entre le CICR et les agents de santé à base communautaire
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Plan d’une formatrice CICR
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Plan de l’agent de santé à base communautaire qui suit Aly
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Plan d’un agent de santé à base communautaire
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Divers plans de Nathalie, formatrice CICR (2 plans)
INTERVIEW NATHALIE NYAMUKEBA Santé mentale et support psychosocial (SMSPS) CICR
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« La plupart des personnes que nous recevons
ont des plaintes physiques,
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des plaintes physiques.
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Comme je ne peux pas dormir la nuit,
je vois les images
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de ce qui s'est passé dans ma communauté.
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J'entends des voix,
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je vois des personnes qui me poursuivent.
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Je n’ai plus envie de vivre
parce que j'ai tout perdu.
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J'ai perdu ma famille, j'ai perdu
ma maison, j'ai perdu mes biens,
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je suis déplacée,
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je ne peux plus envoyer mes enfants à l'école,
je ne peux plus les nourrir.
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Donc c'est ces situations
où ils sont référés.
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Mais il y a d'autres aussi qui vont
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vers les soins médicaux
mais où le personnel médical
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ne parvient pas à trouver le problème
parce qu'ils font des examens médicaux.
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Tout est bien, ils donnent des médicaments,
il n'y a pas de changement,
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il n'y a pas de progrès
et donc ils pensent peut être
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ce n’est pas un problème physique que nous,
nous pouvons traiter,
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Référons-le vers le psychologue pour qu'ils puissent voir
peut-être ce qu’il se passe.»
FIN
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